Infobésité : L'Impératif de la Gestion Stratégique de l'Information dans un Monde en Surcharge

Franck Di Liberto
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August 28, 2024

L’humanité a produit au cours des trente dernières années plus d’informations qu’en deux mille ans d’histoire etce volume d’informations double tous les quatre ans ... »  P. Aron et C. Petit, « L’info,nerf de la guerre »

Le rapport « Data, data,everywhere », publié en 2010 par le magazine The Economist montre la croissance du volume des données disponibles au format numérique et introduit le yottabyte, une mesure encore impossible à évaluer tant elle est astronomique... .

Le constat est sans équivoque : 74 % des managers déclarent souffrir de surinformation et d’un sentiment d’urgence généralisé. Le ressenti de la surcharge informationnelle est étroitement corrélé à la surcharge d’activité et au sentiment d’urgence. Quatre salariés sur dix se disent « en surcharge d’activité » et 56 % d’entre eux ressentent une augmentation du volume de dossiers traités. Ils consacrent aujourd'hui 30 % de leur quotidien à l’activité d’information, une proportion en hausse constante depuis cinq ans.
Cette activité ne fait « que » s’ajouter à l’activité principale qui reste l’activité de production. Or, compte tenu du volume croissant de l’information numérique, qu’adviendra-t-il lorsque l’activité d’information occupera 50 % du temps de travail ?

Par ailleurs, 68 % des salariés ont le sentiment de devoir prendre des décisions dans un laps de temps de plusen plus court. Le pilotage de l’activité tend à s’effectuer davantage en temps réel et les temps personnel et professionnel s’imbriquent de plus en plus. La maîtrise du temps est revendiquée par les sociétés occidentales capitalistes. Ses maîtres mots sont la réactivité, la proactivité, l’adaptation au changement…

L’existence de l’entreprise est menacée

L'infobésité comporte de nombreux risques en termes de saturation, de désinformation, de baisse de productivité, de stress et de burn-out. Le coût financier et humain de l’infobésité est patent. L’entreprise peut néanmoins lutter contre ce phénomène en structurant l’activité information et en la considérant comme stratégique. Avec des solutions techniques, mais aussi et surtout méthodologiques tels le knowledge management et la gouvernance de l’information. Et en développant la culture de l’information et du travail collectif.

Limite du concept d’infobésité

Son seuil de déclenchement est loin d’être identique pour tous. L’infobésité naît de la rencontre d’une personne, d’un poste de travail et d’une organisation. La surinformation peut être définie a minima par le fait de recevoir plus d’informations qu’il n’est possible d’en traiter.

Où en sommes-nous ?

Augmenter et valoriser le capital de connaissances de l’organisation conditionne l’avenir des organisations. Leur compétitivité passe en effet désormais moins par leurs structures et leur productivité que par la gestion efficace de leur capital immatériel, le capital« de connaissances » couvrant compétences, métiers, savoirs, savoir-faire, brevets, stratégies, innovations technologiques …

Obtenir l’information n’est pas l’enjeu, car elle est omniprésente et disponible. Le principal est de savoir la reconnaître, l’analyser et l’exploiter, ce qui implique une intervention humaine, de la méthodologie, un soutien collectif. Seule la capacité d’analyse donne du sens aux informations recueillies sans nuire à l’activité ou à la personne.

Sans une économie dématérialisée, maîtriser l’information est désormais une préoccupation essentielle des chefs d’entreprise et des équipes dirigeantes. La volonté stratégique d’une organisation est de s’approprier et pérenniser toute connaissance produite en son sein, au-delà des compétences de chacun. Le management des connaissances lui permet de s’affranchir des aléas liés aux personnes pour intégrer des savoir-faire clés dans leur patrimoine collectif.

Les risques engendrés par l’infobésité pour les entreprises portent sur la qualité du processus décisionnel, sur la productivité et sur l’innovation. À ces risques doivent être ajoutés ceux qui pèsent directement sur les collaborateurs, les risques psychosociaux. Le coût de l’infobésité, humain et financier, majeur pour l’entreprise, comme pour la société dans son ensemble, est actuellement fortement discuté.

• Le premier risque identifié porte sur la saturation. Il existe en effet un nombre optimal d’informations à obtenir pour prendre une décision. Une fois dépassé ce seuil, on observe une dégradation de la qualité du processus décisionnel.

• Un autre risque concerne une forme de « désinformation ». Nous savons qu’à la croissance constante de l’information correspond une baisse tout aussi constante de sa qualité.

• La perte de temps générée pendant les heures de travail par la surcharge informationnelle a été estimée en 2008 à près de 900 milliards de dollars par an pour l’économie américaine 

• Les consultations pour risque psychosocial – stress, burn-out, anxiété, etc. – sont devenues en 2007 en France la cause principale de consultation pour pathologie professionnelle. Nous pensons que chacun a éprouvé au moins une fois au cours de sa vie professionnelle l’impression de ne pas réussir à rattraper le flux d’informations, de nouvelles, de lectures… d’être submergé.