Les prix de l’électricité s’envolent, le coupable semble tout trouvé : la construction du marché européen de l’électricité. Celui-ci « ne peut pas être décrit comme fonctionnel s’il conduit à des prix aussi élevés » dit le Chancelier allemand, Olaf Scholz. Une fois l’architecture de ce marché modifiée, le chaos devrait laisser place à une accalmie. Pourtant, en réalité, aucun système ne permet de dissocier les cours du gaz et de l’électricité à l’échelle européenne. En effet, ladite corrélation tient d’abord dans une réalité physique, la production d’électricité provient encore pour 20 % de la combustion de gaz.
Par ailleurs, le prix du marché s’ajuste au coût de la mise en route de la toute dernière centrale électrique connectée au réseau. « Tout le marché s’ajuste à son prix, parce qu’il faut rémunérer le producteur qui la met en route à l’instant T, étant donné que l’électricité ne se stocke pas. Si ce n’était pas le cas, le producteur ne serait pas incité à la mettre en fonctionnement, malgré un besoin imminent sur le réseau » explique Jacques Percebois, économiste et directeur du CREDEN.
Or les coûts de mise en route des centrales à gaz (qui font l’équilibre de ce marché) se sont envolés, en même temps que les capacités physiques de génération d’électricité se sont rétractées. La France, notamment, a fermé nombre de ses capacités, de la centrale nucléaire de Fessenheim aux centrales à charbon polluantes... sans pour autant les remplacer par des moyens de production équivalents. De plus, le pays fait actuellement face, au pire moment possible, à une disponibilité historiquement basse de son parc nucléaire.
Ce problème impacte au premier chef la France qui, en situation de faiblesse de production, doit importer de l’électricité et se trouve du même fait soumis à cette règle démarche. Le pays serait excédentaire, il ne serait pas soumis à la règle du désormais fameux marché de gros européen.
L'Espagne et du Portugal, globalement autonomes, ont subventionnés leur production d’électricité au gaz, mais n’ont pas opéré de découplage. Ainsi ont-ils réussi à afficher un prix du MWH bien moindre que leurs voisins. Du moins pour le moment…
La Commission européenne qui doit réagir semble s’orienter vers une option de lissage en plafonnement des prix du MWh pour certains producteurs d’électricité dont les coûts de production seraient inférieurs à ceux des centrales à gaz. Autrement dit, il s’agirait de taxer une partie de la rémunération des centrales nucléaires ou des parcs éoliens et solaires, afin de dégager des ressources pour financer des dispositifs visant à réduire les prix de l’énergie pour les consommateurs. Mais cette solution comporte en germe de nombreux effets pervers.
La suspension du marché interconnecté à l’échelle des vingt-sept étant exclue, une autre option existe : il serait a priori possible de s’appuyer sur une moyenne des coûts marginaux afin de fixer le prix de l’électricité, plutôt que sur le coût marginal horaire de la dernière infrastructure mise en route. Ce qui reviendrait à subventionner la dernière centrale mise en route.
Un tel mécanisme pourrait, a priori toujours, permettre d’atténuer l’effet de l’envolée des cours du gaz sur le prix de l’électricité à l’échelle européenne, sans pour autant déconnecter les deux paramètres.
Rien n’est simple dans un contexte troublé par le conflit en Ukraine, mais aussi hérité de la crise Covid.